Conférence de Mme GUELY du 19 mai 2023 : Malemort il y a cent ans
Compte-rendu de la conférence,
du 19 mai 2023,
de Mme Marguerite Guély,
Présidente de la société scientifique et archéologique de la Corrèze,
sur invitation des Amis de Malemort

La bibliothèque de la Société Scientifique, Historique et Archéologique de la Corrèze (SSHAC) est ouverte tous les mercredis après midi à partir de 14 h 30, au rez-de-chaussée de l’ancienne usine Deshors, boulevard de l’Industrie à Malemort et que nous serions ravis de vous y accueillir. Nous vous invitons à visiter leur site internet qui donne accès à de nombreuses conférences ainsi qu’aux bulletins annuels de la SSHAC.
Message de Mme Marguerite GUELY
MALEMORT IL Y A CENT ANS
De 1800 à 1900, la population de Malemort est restée stable. En 1821,1028 h, en 1851, 1248 h. Ensuite, elle a même décru, en 1881: 1155 h, la jeunesse étant attirée par les ateliers de Brive et surtout par le chemin de fer. Juste avant la guerre, en 1911, Malemort comptait 1217 h.
C’était une commune essentiellement agricole, mais aussi ouvrière, dont le bourg était animé par la manufacture de papier de paille d’Élie Massénat, puis de Paul Bordier, vendue en 1899, à la société papetière du Limousin, comme celle de Mr Dizac, plus haut sur la Corrèze à Claredent. Il y avait aussi un atelier de fabrication de pantoufles.
Au recensement de 1923, la commune comptera 1083 habitants, dont 379 électeurs, hommes de plus de 21 ans, puisque le parlement a refusé le droit de vote aux françaises. La guerre, qui vient de s’achever, mais dont le souvenir sera évoqué sans cesse, durant vingt ans, a fait de nombreuses victimes, tuées, ou infirmes. Malemort déplore 39 morts et 6 blessés graves. qui décèderont peu après, sans compter les nombreux mutilés.
MALEMORT AU COURS DES ANNÉES
L’ANNÉE 1919
Comme partout en France, l’annonce de la victoire est accueillie avec soulagement.
Le curé J.B Celerier, qui vient d’être nommé à Saint Santin et arrive, le 23 avril 1919, apprend la signature de la paix le 28 juin. Il fait sonner les cloches à toute volée, sans crainte de les fêler, ce qui s’est parfois produit. Il prend aussitôt l’initiative de faire un mémorial dans l’église et ouvre une souscription. La municipalité suivra un peu plus tard et joindra ses efforts à ceux du curé, pour élever un monument aux morts de la guerre, au cimetière.
ÉLECTIONS MUNICIPALES
En novembre et décembre 1919, ont lieu les élections municipales : deux listes sont en présence, le conseil sortant avec le maire de la guerre, Jean Bosredon, qui obtient quatre sièges et les anciens combattants, liste de droite, huit sièges. On décide de ne pas faire de politique et de s’occuper uniquement des intérêts[1] municipaux. Les commissions sont attribuées aussi bien à la minorité, qu’à la majorité. Le nouveau maire est un notable, Mr Hippolyte de Léobardy, habitant le relais de chasse de Seyrignac.
L’ANNÉE 1920
Cette année là, Clemenceau est battu par Deschanel, à l’élection présidentielle, en janvier. En octobre, Deschanel démissionne à la suite d’une chute d’un train.. on chante : il n’a pas abîmé son pyjama … il est verni l’chef de l’ état …
LA CHAMBRE BLEU HORIZON
La France a élu, en mai 1920, une assemblée, dite bleu horizon, à majorité de droite, qui va affronter pendant quatre ans, les problèmes de l’après guerre : Nord et Est de la France complètement ravagés, le franc, stable depuis 1800, en chute libre, et sa conséquence, la hausse vertigineuse des prix. Les salaires sont en berne. D’où, des mouvements de grève, cependant affaiblis par la scission du congrès de Tours, entre SFIO et PCF et donc, des syndicats.
Qu’importe ! L’Allemagne paiera ! Mais elle ne paiera pas, encouragée par les anglais et les américains. Pour contenir l’inflation, il faut des mesures rigoureuses, qui mécontentent tout le monde.
LES HABITANTS DE MALEMORT
La population de Malemort se compose pour plus de la moitié de paysans et pour le reste, d’artisans, commerçants ou ouvriers papetiers, dans le bourg et à Claredent.
Les mœurs ont beaucoup changé. Pendant la guerre, nombre de femmes ont dû remplacer leurs maris et ont pris des habitudes d’indépendance.
L’opposition d’avant guerre, entre les cléricaux et les anticléricaux a perdu de sa force, depuis 1904 et la séparation de l’église et de l’état. La belle conduite du clergé pendant la guerre, souvent dans les services ambulanciers, et aussi exposé au feu que les combattants, a changé un peu les esprits.
Mais deux livres feront scandale, celui de Raymond Radiguet : Le Diable au corps en 1923, et celui, bien plus anodin, de Victor Margueritte : La Garçonne, en 1922.
LE CURÉ JEAN BAPTISTE CÉLÉRIER
Le curé Celerier est âgé de 61 ans et n’a pas été engagé, dans la guerre. Il est très conservateur.
Il vient d’une paroisse campagnarde, Saint Ybard, où l’on était, avant guerre, attaché aux usages et respectueux du clergé.
Le contraste est grand avec Malemort, où les jeunes gens, d’un coup de bicyclette, sont à Brive, pour aller au dancing, ou au cinéma ( muet ). Les filles se coupent les cheveux, au grand désespoir de leurs mères et portent des robes chemises transparentes, au grand scandale des curés. On danse le fox trot, le charleston et le tango.
L’abbé note soigneusement les participants au catéchisme et ceux qui n’y vont pas. Il a particulièrement à l’œil les familles des ouvriers papetiers, qui votent pour le Parti radical ou même pour les socialistes, qui leur parlent du Paradis sur terre.
Il note aussi les comportements insultants envers le clergé, sur sa personne. Il se fait agresser, le 31 octobre 1920, par les deux chiens de Denou, aubergiste, sur la route de Beynat et mordre à la joue, par le chien de Crémoux d’Ayras, de Cosnac, mais les deux hommes ne s’excusent pas.
Les vieilles familles nobles, ou bourgeoises, de Malemort, propriétaires de domaines exploités par des métayers, ont vu fondre leurs rentes, souvent placées en fonds russes. Elles ont dû se séparer de leur nombreuse domesticité, pour ne garder qu’une cuisinière-femme de chambre et un chauffeur-jardinier.
Elles soutiennent le nouveau maire, Mr de Léobardy, dont l’épouse, née de Génis, et aussi, madame Dizac au Jayle, madame veuve Buffet à la Grande Borie, madame de Corn à Puymaret et madame Lespérut à la Barboutie, sont ce que l’on appelle des dames d’œuvre et apportent un soutien indéfectible au curé, sous forme de vases et fleurs pour l’autel, aubes, ou surplis des enfants de chœur, et chasubles pour l’officiant.
Le curé jouit d’un très joli presbytère ( au loyer de 100 francs ) et d’un terrain dans lequel, féru d’horticulture, il va planter des pommiers, poiriers, pruniers et abricotiers. Il élève des lapins dans sa grange, et fabrique de petits meubles, pour ses proches. Il mènerait sans doute une vie assez paisible, si des événements inattendus n’étaient venus troubler le cours de ses jours.
L’ANNÉE 1921
Maurice Chevalier chante : Dans la vie, faut pas s’en faire.. Moi, je m’en fais pas…
Coco Chanel sort une petite robe noire toute simple.. et Landru est condamné à mort.
Le ministère Briand obtient du fer et du charbon, en occupant des villes de la Ruhr.
À Malemort, le maire, Mr de Léobardy, dont le programme consistait à soutenir les veuves de guerre et anciens combattants, à ériger un monument aux morts, à réparer le mur du cimetière et à goudronner la rue principale dans la traversée du bourg, est quelque peu bousculé par les événements climatiques.
L’INONDATION DE 1921
Le samedi 17 septembre 1921, il a fait un violent orage, à 11 h du soir.
Le curé ajoute : on entendait des cris de tous côtés, pour avertir de l’arrivée d’une inondation. À 11 h 20, la Corrèze est sortie de son lit et l’eau s’est élevée de 1 m 30, sous le balcon et sous le porche de l’église. À 2 h du matin, l’eau se retirait. Le mur du jardin était démoli et et la terre recouverte de 20 cm de vase.
Le pont, construit en 1847, a été emporté, à minuit et 40 minutes. Il avait tenu 74 ans. De mémoire d’homme, on avait jamais vu pareille inondation.
Pour sortir, je me mets pieds nus, et si je prends des sabots, je m’embourbe. J’avais 15 lapins : ils ont tous été noyés. Je n’ai pas pu aller dans la cave, me rendre compte des dégâts.
Au jour, nous avons eu un beau soleil.
Le maire avait organisé, dés le 19 septembre, un service de bateau pour les passagers, mais le batelier Pradier ne pouvait passer que 4 personnes à la fois. Il est venu beaucoup de personnes à la messe du dimanche 25 septembre, fête de Saint Santin.
Le 26 septembre, Mr Mayeux, inspecteur des monuments historiques, accompagné de Mr de Léobardy, maire et de Mr Brousse, entrepreneur à Brive, sont venus voir les dégâts occasionnés à l’église par l’inondation.
Les papeteries, le long de la Corrèze, sont inondées. Celle de la gare d’Obazine, à Mr Cassard, déplore trois morts ; la digue de la papeterie de Malemort a été emportée sur 40 mètres.
À Brive, la rivière a envahi la Guierle. Il y a deux mètres d’eau dans le faubourg Leclére, un mètre cinquante, rue Toulzac. Caves et magasins en rez-de-chaussée sont inondés
Comme il est féru de météorologie, l’abbé Cellérier note dans son cahier, qu’il y a eu trois inondations exceptionnelles, celles de 1753, de1855 et de 1902.
Mais il note aussi les années de grand froid, en 1709, 1870-1871, où les loups sont venus jusqu’aux Chapelies et 1895.
À l’inverse, les canicules de 1900 et de 1911.
Quant à la sécheresse, elle a été inimaginable : de novembre 1920 à novembre 1921, il n’est pas tombé une goutte d’eau…( Pourtant, l’inondation est du 17 septembre 1921 ? ).
LA PASSERELLE
Dés le 20 septembre 1921, cinquante soldats du Génie d’Angers sont venus faire une passerelle à une dizaine de mètres en aval du pont écroulé. Pour enfoncer les pieux, ils se servent d’une grue qui sert à soulever un pilon, qu’on laisse retomber sur le pieu. En soulevant le pilon, les soldats chantent : En voici une, la jolie une ! ( le pilon tombe ) Sol la si la. Sol la si la.
Le un s’en va . Ça ira ! ( coup de pilon ). Ré sol la si si. Si si si
Le deux nous vient. Ça va bien ! Oh! ( Coup de pilon ) Si la sol la La la la
Le 9 octobre, on peut passer sur cette passerelle, bien qu’elle ne soit pas terminée .
Les cinquante soldats qui l’ont construit, sont repartis le 18 octobre, après avoir donné une fête de nuit, le 17, sur la passerelle, pour remercier les malemortois ( et les malemortoises ), qui se sont montrés si accueillants pour eux, pendant leur séjour.
La passerelle a 43 m de long sur 3 m de large. Elle a été faite en 20 jours et a coûté de 40 à 50 000 francs.
Elle est bénie, par le curé, le dimanche 28 octobre.
LE NOUVEAU PONT
Le conseil municipal, dés sa séance du 17 novembre 1921, doit discuter sur l’emplacement du futur pont. Beaucoup le voudraient plus en aval, en face du bourg, mais d’autres, plus nombreux, le désirent au même emplacement. Un vote donne 474 partisans du pont au même emplacement, 149 au milieu du bourg et 462 bulletins blancs. On a consulté les communes voisines. Donc, le 27 novembre, on décide de le construire quelques mètres en aval de l’ancien.
Commencé le 7 février 1923, il est achevé le 30 novembre 1924. Il n’a que 4 m de large. La chaussée proprement dite ne faisant que 2 m 50 de large, il est à voie unique.
L’ANNÉE 1922
Le ministère Poincaré, qui va durer deux ans essaie de contenir l’inflation et d’obtenir le paiement des réparations. C’est l’année de la création de la première radio nationale, depuis la Tour Eiffel, Radio Paris. Elle donne la météo et les cours de la bourse. Les journaux, comme l’Auto, s’intéressent surtout au sport et le CAB inaugure son stadium
À Malemort, le curé note que le 17 juillet, deux jeunes gens accompagnés de deux jeunes filles, lui lancent des insultes et des quolibets, depuis la rive gauche de la rivière. Son petit neveu propose de prendre le bateau et d’aller les corriger mais le curé refuse.
Il a d’autres soucis en tête…
LA BÉNÉDICTION DES BESTIAUX
Traditionnellement, le curé, le jour de la Saint Roch, faisait le tour des villages pour bénir les bestiaux. Mais l’abbé Celerier, qui a 63 ans et des soucis de santé, avertit ses paroissiens, le dimanche de l’Assomption, qu’il n’ira pas bénir les bestiaux : il n’a pas de moyen de transport et la paroisse est grande. Il propose, le jour de la Saint Roch, de distribuer à chaque père de famille de l’eau bénite, pour qu’il en asperge ses bestiaux. Cette innovation est mal perçue, d’autant que le curé, les deux années précédentes a parcouru les villages pour documenter son Histoire de la paroisse.
L’ANNÉE 1923
Poincaré, lassé des atermoiements de l’Allemagne occupe la Ruhr et allonge le service militaire à 18 mois. On inaugure les 24 heures du Mans et le premier salon des arts ménagers.
L’HISTOIRE DE MALEMORT
Comme beaucoup de curés de l’époque, l’abbé Celerier est aussi passionné par l’histoire et s’attaque à celle, prestigieuse, des seigneurs de Malemort et aussi de celle des habitants. Il va arpenter les villages, interroger les archives et demander aux familles, qu’on lui prête de vieux papiers. Son livre, paru en 1923, avec l’autorisation de l’évêque, est un livre honnête, sans verbiage inutile, mais un peu court sur les princes de Malemort, dont l’histoire a fait reculer jusqu’à présent, tous les érudits. L’auteur insiste aussi sur les malheurs de la Révolution, et la vente des biens nationaux, au risque de s’aliéner certaines familles bourgeoises.
LE RECENSEMENT DE 1923
Il relève aussi le recensement de 1923, mais n’ayant pas le droit de le publier, le garde manuscrit.Puis, réellement fatigué, il refuse d’aller chercher les convois mortuaires au delà de la passerelle.
LE PASSAGE DE POINCARÉ
Le dimanche 4 novembre 1923, Poincaré, venant de Brive et allant à Tulle, s’arrête un instant à Malemort, où le maire l’accueille sous un arc de triomphe. Il s’adresse aux enfants des écoles qu’il invite à se souvenir des morts de la guerre. Détesté par la gauche pacifiste, qui lui reproche ainsi qu’à Clemenceau, son attitude pendant la guerre et la politique de fermeté envers l’Allemagne, il a encore une longue carrière politique devant lui.
L’ANNÉE 1924
LE CARTEL DES GAUCHES
Les mesures du ministre des finances Charles de Lasteyrie rejettent la majorité des français à gauche, en mai 1924 : c’est la victoire du cartel des gauches, du radical Herriot, maire de Lyon, aidé des radicaux socialistes et des socialistes.
À Malemort, la gauche est majoritaire, surtout dans le bourg. Millerand jugé trop à droite, démissionne, remplacé par Doumergue.
Mais c’est aussi le Mur d’argent, auquel se heurte les réformes : le franc dégringole. L’or se cache, ou part à l’étranger, les communistes séparés des socialistes, depuis le congrès de Tours, font peur.
Cependant, Paris accueille les jeux olympiques et Chamonix, les jeux d’hiver.
INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS
À Malemort, le 6 janvier 1924, le monument aux morts du cimetière est inauguré. Fait par le sculpteur Froidefont, il est béni par le chanoine Renaudie, ex aumônier militaire. Clément Mas, conseiller municipal et grand blessé de guerre, fait l’appel des 47 morts. L’instituteur Mignot, capitaine et président de la société de tir, invite les enfants à maudire la guerre.
La même année, l’autocar Brive-Tulle par Sainte Fereole dérape, en face de Peyragude, heurte un sapin et se renverse. Le toit se détache. Il y a huit blessés sur les onze passagers, ainsi que le chauffeur, qui sont transportés à la clinique du docteur Bordes à Brive.
En mai, la passerelle est interdite aux voitures et le 7 juin, des ouvriers viennent commencer le nouveau pont en ciment armé. Le 30 novembre, le conseil municipal vote 150 francs pour un repas de remerciement aux ouvriers.
L’ANNÉE 1925
LA VIE CHÈRE
En 1925, le pain passe de 23 sous en mai, à 26 sous en août et à 31 sous en décembre. Le cartel des gauches accuse les accapareurs, comme en 1789. Le vicomte d’Avenel se livre à de savants calculs : un carolingien, possesseur de 1000 livres, représentant 3 millions, et 50 000 francs de 1925, n’a plus que de 500 000 francs sous Saint Louis, 170 000 francs en 1400, 22 000 francs en 1700. À la veille de 1914, 4 950 francs et, finalement, 1 000 francs seulement en 1925. Cette chute est due à la dépréciation des métaux, puis à la diminution du poids des monnaies, suivie d’une hausse des prix. Finalement, le franc Poincaré de 1928, qui valait 12 sous depuis Napoléon, n’en vaudra plus que 2, en 1928.
La gauche poursuit une politique pacifiste : c’est le pacte de Locarno entre la France, la Belgique, la Grande Bretagne, l’Allemagne de Streseman et l’Italie de Mussolini.
C’est aussi l’année des femmes : canonisation de Sainte Thérèse de Lisieux, victoire de Suzanne Lenglen à Roland Garros et triomphe de Joséphine Baker, dansant le charleston, avec un pagne de bananes, dans la Revue Négre.
LES ÉLECTIONS MUNICIPALES
Le 5 avril 1925, le pont est enfin livré à la circulation, à la grande joie des piétons et automobilistes. Il servira jusqu’en 1973 et restera en place, après la construction du nouveau pont.
À Malemort, les élections municipales de mai 1925 sont animées : le maire rappelle qu’en 1919, il a obtenu un consensus et énumère les réalisations faites sans recours aux emprunts : mur du cimetière, dont on parlait toujours sans jamais aboutir, immeuble pour la poste du receveur Tronc, faisant ainsi disparaître la menace de l’administration de supprimer le service postal et téléphonique, passerelle et pont, secours aux victimes des inondations, démolition d’un bâtiment à Cluzan, qui rendait la circulation dangereuse, inspection médicale dans les écoles, érection du monument aux morts, goudronnage de la route nationale, dans la traversée du bourg. Il reconnaît qu’il reste beaucoup à faire.
Sa liste d’action républicaine et sociale comprend les huit conseillers sortants : lui même, Henri Beynié, Victor Tribier, Jean Clauzade, Clément Mas, Henri Pascal et Bernard Margerit.
La liste du cartel des gauches comprend trois conseillers sortants : Roger Perrier, Xantin Reynal et Jean Bosredon, l’ancien maire . S’y ajoutent trois anciens conseillers, Pierre Raynal, Taurisson et Levet.
Un groupe d’électeurs, désabusés par le cartel des gauches, diffuse un tract qui rappelle la hausse des prix, la chute du franc, les tueries communistes et, en Allemagne, l’élection du maréchal Hindenburg, comme président du Reich.
Au premier tour, sont élus MMrs de Léobardy, Tribier et Mas d’un côté et Perrier, Raynal et Bosredon de l’autre. Sont finalement élus : Joseph Taurisson de Montemard, Henri Pascal, Pierre Raynal, Delmont et Taurisson des Gaulies.
Finalement, la liste du maire l’emporte, mais deux conseillers passent immédiatement dans le camp adverse, rendant l’action du maire difficile. La même chose se produit à Brive, par la défection de Chapelle, rendant illusoire l’action du maire Escande.
Néanmoins, Mr de Léobardy annonce ses projets : électrification des villages mème éloignés, construction d’une école de hameau à Roumégoux, fontaines d’eau potable dans le bourg ,afin qu’on ne boive plus l’eau polluée de la Corrèze ou celle du ruisseau des Saulieres, halte sur la ligne de chemin de fer de Brive à Tulle et enfin chemin vicinal de Berchat à Peuch le Mas. Il se défend d’être un réactionnaire, et accuse ses adversaires de monopoliser le terme de républicain.
Le 20 juillet, un orage violent accompagné de grêle endommage la récolte de raisins mais ne détruit pas les blés, déjà rentrés. À la messe de minuit de 1925, le jeune Brunarie de l’Hopital Bodat, 13 ans, perturbe l’office, en donnant un fort coup de sifflet. Avant la messe, il avait chanté et dansé la bourrée dans le chœur. Le curé note : je lui ai fait une réprimande, pour lui apprendre ses devoirs envers Dieu et envers le prochain, qu’il aurait appris s’il était venu au catéchisme
L’ANNÉE 1926
Marc Sangnier regroupe les jeunes catholiques de gauche dans le Sillon tandis que les catholiques de droite sont à l’Action Française. Tous deux seront condamnés par le pape plus tard. L’Allemagne fait son entrée à la Société des Nations, ancêtre de l’ONU.
La mort de Rudolf Valentino à 31 ans pousse de nombreuses femmes au désespoir, ou même au suicide.
À Malemort, la neige tombe du 12 au 17 janvier.
Le 4 février, le curé écrit au maire : Le mur du jardin du presbytère qui menaçait ruine depuis longtemps, s’écroule, écrasant le tuyau de la pompe. Des arbres voisins menacent de tomber dans la rivière. Le curé a beau écrire trois fois, rien n’est fait.
Tout le printemps est froid et pluvieux et tout l’été jusqu’en fin septembre très chaud et sec.
En octobre, le curé fait installer la radio au presbytère. Désormais, il pourra écouter chaque jour le journal parlé, des émissions musicales et des conférences.
Le bourg de Malemort, en voie d’agrandissement, est soumis à un plan d’alignement .
L’ANNÉE 1927
Une nouvelle loi électorale institue un scrutin d’arrondissement à deux tours, qui sera utilisé l’année suivante.
Tandis qu’on évacue la Sarre, le service militaire est ramené à un an.
Les quatre mousquetaires, dont Lacoste et Borotra dominent à Roland Garros jusqu’en 1932. Bernanos publie : Sous le soleil de Satan et Mauriac : Thérèse Desqueyroux.
CAMBRIOLAGE À L’ÉGLISE
À Malemort, la diminution de la valeur des monnaies n’empêchera pas, le 13 juin 1927, le tronc des âmes de la sacristie de l’église Saint Santin d’être dévalisé par une femme originaire d’Ussel, déjà condamnée 10 fois et interdite de département. Pour sa défense, elle dit qu’elle attendait la sortie de prison de sa fille, avant de quitter la Corrèze, ce qui lui vaut trois mois de prison !
Cela relance le problème du gardiennage des églises, laissé à la compétence des maires. Le curé, gardien naturel, peut-il être subventionné par la mairie ?
En octobre, le curé installe la statue de Sainte Thérèse de l’enfant Jésus, canonisée deux ans auparavant. Coût : 300 francs.
L’ANNÉE 1928
VICTOIRE DE LA DROITE ET DU CENTRE
Le pacte Briand Kellog vise à mettre la guerre hors la loi.
Les élections de mai, ramènent le centre et la droite au pouvoir.
Poincaré y gagnera son titre de sauveur du franc. La gauche radicale se scinde en partisans d’Herriot ou de Daladier.
LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
Les élections législatives opposent dans le canton de Brive nord, Escande de Brive, de droite à Laumond d’Aubazine de gauche. À Malemort, il y a 365 électeurs, 319 votants. Escande obtient 128 voix et Laumond, 179. Laumond est élu.
Le 9 novembre, est mort Jean Bosredon, l’ancien maire, âgé de 72 ans.
Originaire de Saint Viance, il était venu jeune à Malemort, comme forgeron. Élu conseiller municipal dés 1892, adjoint en 1903 et maire de 1904 à 1919. Ce radical modéré est inhumé en présence du sous préfet, qui prononce un discours préparé par Mr Chapelle, conseiller général, grippé. L’instituteur de l’avant guerre, Mr Ribeyrolle, retraité, témoigne du dévouement de celui qui à eu la lourde tâche, tout au long de quatre ans de guerre, d’annoncer aux familles, la disparition de leurs proches.
L’ANNÉE 1929
Le plan Young met un terme aux réparations que, depuis dix ans, les allemands rechignaient à payer. Ils n’ont pas admis le traité de Versailles, ne s’estimant pas vaincus, puisque les alliés n’ont pas occupé leur pays.
En octobre, le jeudi noir de Wall Street et la chute des actions américaines sont les premiers signes d’une crise économique, qui va transformer les années folles en années sombres. Le chômage et la défiance envers le capitalisme, vont mener à la montée des régimes autoritaires, que ce soit le communisme ou le fascisme.
Mais, en attendant, on assiste aux premiers films parlants. C’est la fin du règne de Douglas Fairbanks et de Mary Pickford, qui jouent le Masque de fer, en muet, puis disparaissent. On découvre alors les mérites des acteurs de théâtre du genre de Raimu, Louis Jouvet ou Arletty
LES ÉLECTIONS MUNICIPALES
À Malemort, en 1929, ont lieu de nouvelles élections municipales.
Le parti républicain radical et le Parti radical socialiste présentent un programme de soutien à l’école laïque, d’extension de la voirie et surtout d’amélioration des chemins vicinaux et de développement du réseau électrique.
Le 12 mai, Mr de Léobardy remercie les 191 malemortois qui l’ont élu au premier tour et rappelle que, depuis 1925, il n’a pas eu les mains libres, à cause de deux traîtres et les dépenses ont excédé les recettes. Il se défend d’être dépensier et donne les excédents de recettes de la mairie de 1919 à 1925, suivis d’un excédent de dépenses depuis 1926.
Maire depuis dix ans, il ne briguera pas le poste, en cas de défaite de ses partisans. On reproche à Mr de Léobardy d’être hargneux ( sic ) et menaçant. On rappelle qu’il n’est pas indispensable et qu’il prend des allures de grand seigneur. On parle de sa morgue aristocratique !
Finalement les radicaux l’emportent et Mr Faucher est élu maire. Mais il meurt en 1930 et il faut faire une élection complémentaire, en juin 1930. Henri Pascal est le seul candidat des vrais républicains, c’est à dire des radicaux. Ses adversaires lui reprochent d’être à la botte de Mr Chapelle, le nouveau maire de Brive. Le candidat réactionnaire Maumont est élu, mais les conseillers municipaux donnent six voix à Mr de Léobardy et six voix à Xantin Reynal. Finalement, ce dernier sera proclamé maire, au bénéfice de l’âge.
FROID ET CHAUD À MALEMORT
L’abbé Célérier semble s’intéresser surtout au temps qu’il fait : dans la nuit du 17 janvier, le thermomètre descend à -17°. La nuit du mardi gras 13 février à -13°. Et dans la journée, -7° ce qui a enlevé, note-t-il, aux masques de Brive, l’envie de venir se montrer, les bras nus et en robe courte. Il ajoute : ils furent peu nombreux. La Corrèze était gelée, depuis le chevet de l’église jusqu’au fond du jardin du presbytère.
Nouvel épisode de gel, le 3 avril : les fleurs des arbres fruitiers sont perdues…
Le premier juin, j’ai eu la lumière électrique ! Cette lumière, enfin parvenue dans le bourg, non depuis l’usine des Bordes, mais de l’usine du Saillant, avait été l’objet de discussions interminables au conseil municipal. Si elle éclairait les foyers du bourg, les villages vont attendre un peu pour en jouir.
Le 25 juillet, il a fait + 35° à l’ombre, ainsi qu’au commencement de septembre, comme en 1895, 1898 et 1911.
En guise de conclusion une chanson diffusée lors des élections municipales. On semble s’y moquer de la sujétion de Malemort à Brive et de la candidature Pascal.
LA BALLADE DES GRENOUILLES DE MALEMORT
Loin des cités, du tintamarre,
les grenouilles de Malemort
vivaient heureuses dans leur mare,
sans s’écarter jamais du bord
Leur trop bon prince Boniface,
mais que voulez donc qu’il fasse ?
gouvernait sans latte, ni mors :
elles rigolaient à sa face,
les grenouilles de Malemort !
s’il survenait une bagarre,
à personne, il ne donnait tort :
de sa galette point avare,
en secret, il offrait son or
aux batraciens de Malemort !
Mais le bon peuple, quoiqu’il fasse,
– coa ! Coa ! Je te coasse !
à ce régime, geignait fort,
car bon temps tue et bonheur lasse
es grenouilles de Malemort.
Lors, pêcheurs de Brive, en fanfare,
de débiner à cris et cor,
ce qui fut l’honneur de la mare,
l’honnête régim’ de Malemort !
Nous vous ferons un meilleur sort,
balancez votre Boniface !
Quand on est maigre, il faut qu’on fasse
gras tous les jours et tout d’abord,
happez le bifteck que Briv’ vous passe
Ô ! Grenouilles de Malemort
Envoi
Prince ! Avouez qu’il n’est pas fort
votre bon peuple qui coasse,
si le chiffon rouge qu’il mord
avec le clou, semble une grâce
aux électeurs de Malemort !