L’Emploi à Malemort en 1906 

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La papeterie de Malemort

Par Dominique LESTANI 

J’ai étudié ce sujet à la lumière des « Listes nominatives de recensement de population » du 31 mars 1906 (disponibles en ligne sur le site des Archives Départementales). Ce document fournit le nom, le prénom, l’âge, le lieu de naissance, la nationalité, le rapport au chef de famille, la profession, éventuellement le nom de l’employeur.
A ce moment-là, la population totale de Malemort s’élève à 1190 individus, dont 364 habitent au bourg et 826 sont répartis dans les différents «villages» classés par nombre de résidents. Au palmarès, Le Mas (66 habitants) est en tête devant l’Hôpital Bodat (52), Argaux (48), le Peuch (45), Palisse et Montemart (43), Le Peyroux et Claredent (40 chacun).

La pyramide des âges est prometteuse : 430 individus (36,13 %) ont entre O et 19 ans, 355 ont entre 20 et 39 ans, 245 ont entre 40 et 59 ans et il n’y a que 160 personnes de 60 ans et plus. Aucun habitant n’est de nationalité étrangère.

Répartition entre actifs et sans emploi :

L’emploi en 1906 :
– Ont un emploi  : 522 (44 %)
– Sans profession : 666 (55 %)

*Précision : les pourcentages sont établis sur la base de 1188 habitants et non 1190 car pour deux d’entre eux il manque tous les renseignements. 

Moins de la moitié des individus (44%) a un emploi. Et dans ce total, alors que les hommes sont 424, les femmes ne sont que 98 à déclarer exercer une profession. En fait leur activité n’est pratiquement jamais déclarée. Il faudra attendre les années 1920 pour que l’activité féminine soit reconnue (guerre de 14/18 oblige). Pour le moment, en 1906, rares sont par exemple les femmes d’exploitant exerçant officiellement une profession : une seule femme est déclarée « cultivatrice » chez son mari. 

Malemort en 1906 : une économie essentiellement agricole, un artisanat conséquent et un emploi industriel important

Répartition des emplois par secteur en 1906 :
– Agriculture : 317
– Artisanat : 90
– Industrie (papeterie)  : 67
– Employés : 26
– Commercants : 15
– Emplois publics :  5
– Divers : 2
Total : 522

Voyons d’abord les chiffres dans leur ensemble. On ne sera pas surpris par l’importance du secteur agricole : il fournit à lui seul 317 emplois (60 %). Suivent dans l’ordre l’artisanat avec 90 emplois, l’industrie (papeterie) : 67. Les employés sont 26, les commerçants 15, les emplois publics 5 et 2 divers (le curé et le sacristain de Malemort). 

Le secteur agricole 

Les plus nombreux sont les « cultivateurs » : 126, parmi lesquels 108 hommes et 18 femmes. En fait ce sont en majorité des membres de la famille qui prêtent main forte au « chef de ménage» (fils, frère, gendre, beau-père) et parfois ils ont été recrutés à l’extérieur.

Viennent ensuite 36 domestiques (nourris et logés sur l’exploitation) et 21 journaliers, lesquels louent leurs bras à la demande. Ce qui nous fait 183 emplois.

Reste les 5 fermiers, les 38 métayers et les 91 « propriétaires exploitants ». Ces derniers chiffres induisent qu’en 1906, il y a à Malemort au minimum 134 exploitations agricoles ! Et les (petits) propriétaires y sont en majorité. Il faut partager les parts du gâteau, d’autant plus qu’il y a, à la périphérie de Brive quelques gros propriétaires. Ce sont eux qui emploient les 38 métayers.

L’artisanat

Pas moins de 19 métiers sont représentés dans ce secteur. Un carrier. Onze charpentiers (dont 8 patrons et 3 ouvriers). Trois charretiers. Trois charrons. Un chiffonnier. Huit cordonniers (dont 4 patrons). Seize couturières (dont 8 patronnes). Deux couvreurs. Un entrepreneur de travaux publics. Quatre forgerons. Une « lessiveuse » et cinq lingères. Neuf maçons. Deux mécaniciens. Cinq menuisiers. Un pêcheur. Quatre sabotiers. Six scieurs et scieurs de long. Cinq tailleurs d’habits et encore deux tisserands.

Cet inventaire à la Prévert dévoile bien la réalité du Malemort de 1906. Il n’est qu’à observer attentivement les quatre derniers métiers représentés : un pêcheur professionnel vivait du poisson tiré de la Corrèze. Deux patrons sabotiers ayant chacun un ouvrier fournissaient de quoi chausser nombre d’habitants. On débitait encore les planches et poutres à la main dans les deux entreprises de scieurs de long. On tissait encore sur place (on recense un tisserand et un « tisseur ») et cinq tailleurs d’habits (4 hommes, une femme) habillaient les Malemortois avec du «made in Corrèze». 

L’industrie

En 1906 la Société Générale des Papeteries du Limousin emploie dans son usine de Malemort 67 personnes ! Dont 24 femmes (papetières) et 43 hommes (papetiers) parmi lesquels le directeur Paul Letourneur qui habite le bourg, un contremaître, un mécanicien, un maçon et un charretier. Cette société s’implante à Malemort en 1889 sous la direction d’un certain Bordier « fabricant de papier». 

Un article du « Journal de Paris » du 23 septembre 191 O nous en dit plus long : 
« VIOLENT INCENDIE. BRIVE, 22 septembre. A Malemort, à trois kilomètres de Brive, une partie de l’usine de la fabrique de papier de Malemort, appartenant à la Société des papeteries du Limousin a été la proie des flammes. D’immenses meules de paille étaient en feu, répandant une chaleur intense, et plusieurs maisons voisines ont été atteintes par l’incendie, notamment l’habitation de M. Bosredon, maire. Les dégâts sont importants. Il était quatre heures du soir quand l’alarme a été donnée. Les pompiers de Brive et une compagnie du 126e de ligne ont été mandés. Tous ont fait vaillamment leur devoir, sous l’œil vigilant des autorités. Les décombres ont été noyés. Peu s’en est fallu que la maison d’école fût atteinte. »

En effet, l’usine à papier travaillait à partir de bottes de paille. Elle comportait plusieurs bâtiments situés entre l’école Jules Ferry (maison d’école de Malemort en 1906) et la Corrèze. 

Les employés

Sont regroupés sous ce terme un maître d’hôtel, une nourrice, différents employés de maison (2 cochers, 3 cuisinières, 2 femmes de chambre, un « garde particulier », 5 servantes). Madame Marie De Corn, chef de ménage à Puymaret, disposait de trois servantes : une « cuisinière », une «femme de chambre », plus une « domestique de ferme » et un cocher. De quoi satisfaire ses moindres désirs … 

La Compagnie d’Orléans employait sur la commune 11 personnes : 4 gardes barrière, 2 « hommes d’équipe», 4« poseurs » et un mécanicien. 

Le commerce 

Venaient en tête les trois bouchers patrons plus un ouvrier, deux boulangers patrons et un ouvrier, un épicier et son ouvrière, un « débitant», un aubergiste, un fabricant d’eau gazeuse, un marchand de bois, un receveur buraliste et un voyageur de commerce. Soit 1 5 emplois dans le commerce. 

Les emplois publics 

Deux cantonniers, deux instituteurs (homme et femme), un facteur receveur. 

Les jeunes et le travail en 1906. 

J’ai étudié la tranche d’âge 8/18 ans. En 1906 elle représente au total 232 individus, dont 64 ont un emploi (43 garçons et 23 filles). C’est donc 28,5 % de cette tranche d’âge qui est au travail. Beaucoup plus qu’aujourd’hui !

La plus jeune, Eugénie Hom, native de Beynat et servante chez Bouzonie de l’Hermitage a 1 1 ans ! Viennent ensuite Pierre Sauvezie du bourg, ouvrier sabotier chez Teyssier qui a 13 ans, Madeleine Baudet du Jayle, papetière comme ses parents qui a 13 ans et Pierre Menard, natif de Saint Féréole, garçon de ferme chez Debrach à Meyrat 1 3 ans lui aussi. 

On sera étonné de la précocité de ces très jeunes travailleurs. Et pourtant, si on compare avec les communes voisines, toujours en 1906, on constate que les jeunes de Malemort étaient plutôt privilégiés. A Cosnac, pour la même année et une population de 802 habitants, on relève 11 enfants de 13 ans ou moins qui travaillent. Par contre le pourcentage global de jeunes au travail est similaire. 

C’était il y a 112 ans. Les choses sont aujourd’hui bien différentes …