P06 – Le château de la Barboutie
LA BARBOUTIE de 1435 à 1874
C’est avec l’aimable autorisation de Jean Pierre Bardon que nous reproduisons l’histoire du château de la Barboutie,
extraite de son livre « La Barboutie 1873 – 2007 »
Ce livre est en notre possession à l’association, il peut être consulté ou prêté
contact par mail : amis de malemort@gmail.com
Peu de gens peuvent se vanter de trouver des traces de leur maison de famille, ou du moins de son site, près de six cents ans en arrière.
On peut lire le nom de la Barboutie sur différents documents officiels, au fil des siècles. Dans le cartulaire d’Obazine, il est orthographié « Borbotia », ce qui semble le rapprocher de l’étymologie « borb » ou « borv » qui signifiait bouillonnement, source bouillonnante (chaude ou thermale) ou source jaillissante. Borvo était le dieu gaulois des sources. Toutes les stations thermales qui s’appellent « Bourbon » ont la même origine.

Par chance, il subsiste encore quelques documents vénérables sur lesquels il est fait mention de la Barboutie, comme ce bail du prieuré de Montchal, établi le 7 décembre 1435, par son prieur, Ramond des Brard. C’est le plus ancien que nous ayons trouvé. J’admets que sa lecture est difficile pour un homme du vingt et unième siècle, mais on reconnaît bien, malgré tout, le nom qui nous est familier. A voir aujourd’hui le village de Montchal, on est loin de se douter qu’il fut autrefois un prieuré de filles. « Montchal, Montchalm ou Monchaut, en latin Montecalvo, est signalée dès 1259. Almodie de Cosnac, née de Malemort, épouse de Guillaume II de Cosnac, demandait à ses obsèques deux moniales de Montchal « due moniales de Montecalvo »; elle leur donnait l’argent d’une réfection en ajoutant douze deniers pour chaque sœur, à la condition d’un service dans leur chapelle à l’occasion de ce double don fait pour le salut de son âme et pour celui de son aïeule ensevelie à Montchal.
Le bail du prieuré de Montchal (1435)
Puis, quelques trente ans plus tard, en 1466, sous le règne de Louis XI le mal aimé, on peut lire sur un autre bail que Jean de la Barboutie et Jean Jayle de Saint Santin concèdent la location du bois de la Sudrie, « confrontant la rivière de la Barboutie, la rivière de Corrèze et les terres de Montchal » à un certain Antoine de la Chapoulie et à sa femme, Catherine de la Reynaudie. A cette époque qui suivait la période troublée de la Guerre de Cent Ans (1340-1440), la Barboutie était un village, situé moitié sur Malemort, moitié sur « Daignat » ou « Dampnac ». On ne retrouve nulle part l’emplacement du village, mais j’ai retrouvé, en plantant les sapins derrière chez Caroline, des traces de murs, également de très vieilles pierres au Grand Domaine et, sur le plus vieux plan de la Barboutie, l’emplacement d’une maison à la gauche des platanes, au-dessus des mares. Son propriétaire devait la rente ou mouvance. Cest ainsi qu’Antoine de la Barboutie, petit-fils d’Antoine de la Chapoulie, reconnaît dans ce même bail, devoir une rente de trois sous, une poule et quinze deniers d’acompte à chaque mutation de seigneur. Le propriétaire dépendait en effet de la justice d’un nombre important de seigneurs, exactement sept, quatre sur Dampniat et trois sur Malemort.
Qui étaient les seigneurs de Dampniat en 1460 ? Tout d’abord Antoine de Chanac qui appartenait à une très vieille famille de chevaliers de Chanac et de Lanteuil, donateurs particulièrement généreux des abbayes de Tulle et d’Obazine. Ensuite, Mathieu Amelin, d’une famille de marchands de Montchaud (Montchal) et le commandeur du Temple de Mons, qui sont des religieux possédant des biens assez dispersés et peu importants dans les paroisses voisines.
Sur Malemort, il y en avait également, au nombre de trois : le vicomte de Turenne et le baron de Malemort, co-seigneurs de Malemort, et Raymond de la Chapoulie, bourgeois de Tulle, lui aussi plus ou moins anobli et installé à Cornil.
Pauvre métayer qui devait des comptes à tous ces seigneurs à qui il fallait verser chaque année une partie de ses maigres récoltes !
1585. Plus d’un siècle a passé. La France est déchirée par les guerres de religion. Henri III règne maintenant sur le royaume de France et François de Vielbans, archer des gardes du roi, sur les destinées de la Barboutie (dénommée également Barbanie, variante orthographique fréquente à cette époque, comme on l’a vu plus haut), à Dampniat. II y avait au moins cinq feux dans le « Mas », très probablement tous descendants d’un ou deux « Barboutie » du XVème siècle.
1623. Le prieuré de Montchal est presque ruiné. Son prieur, dom Guillaume Belette, vend au père François Hilaire, recteur à Brive, une certaine quantité de pierres de vieilles masures qui était à l’entour de l’église de Montchault pour servir à la remise en état de l’église Saint Santin. Le fruit de la vente devait servir à réparer « le toit de l’église de Montchault que l’on démolissait en partie pour se décharger de l’entretien, jusqu’à certains piliers avoisinant le chœur Une partie de ces démolitions et même des colonnes, pourtant joliment sculptées de feuillages et de fleurs, servit à faire les fondements du mur du cimetière de Malemort.
1664, quatre-vingts ans plus tard…. Les rois de France se sont succédés (Henri IV, Louis XIII, Louis XIV), les seigneurs de la Barboutie aussi. C’est maintenant Jean de Rouchon, seigneur de la Brande, qui est aussi celui de la Barboutie. Les rois continuent à défiler : Louis XV, puis Louis XVI.
A partir du dix-huitième siècle, les renseignements se font plus nombreux et plus précis.
1777 Jean Joseph Guillaume de Gilibert de Marlhac (1745-1819), seigneur du Vialard, fils d’un Chevalier de Saint Louis, Grand Prévôt général du Limousin et de l’Agenais et d’Ursule de Sahuguet d’Amarzit d’Espagnac, devient à son tour propriétaire de la Barboutie. Ce n’est pas le premier venu : il est général gouverneur des Invalides, où il est d’ailleurs enterré, et l’époux de Sophie Mirbeau de Chatillon, fille de Godefroy Charles Henri de la Tour d’Auvergne duc de Bouillon. Sa vie mouvementée pourrait à elle seule faire l’objet d’un roman : il a comploté l’évasion de Louis XVI en 1792. Dénoncé en 1793 et arrêté, il s’évade de la Tour de Vannes où il est enfermé, puis il est caché sous un faux nom par le gardien chef de la prison qu’il connaissait, ce qui lui épargne la guillotine. Il est condamné et inscrit sur la liste des émigrés, puis finalement libéré le 9 thermidor. Il ne prend sa retraite qu’à l’âge de soixante-dix ans, après cinquante-huit ans de service. Cette inactivité soudaine ne lui vaut rien puisqu’il décède peu après en 1819. Deux de ses trois fils, Martin Guillaume et Godfroy Charles Henry, héritent de la propriété. La même année, le 28 juin exactement, Martin Guillaume met fin à l’indivision en vendant à son frère sa part de la Barboutie, pour 12 300 F de l’époque, payables en cinq « actes » annuels égaux, avec intérêt à cinq pour cent sur les sommes restant dues, mais il garde, semble-t-il, le bois du Vialard sur la commune de Lanteuil.
Le nouveau propriétaire, Godfroy Charles Henry, est un briviste de trente-cinq ans. Il est administrateur des prisons de Brive, mais aussi maire de Dampniat. Quand il prend possession de la Barboutie, il est marié depuis six ans à Antoinette Gabrielle Leclerc à laquelle il fait trois enfants. Mais les feux de l’amour ne durent pas très longtemps puisque le voilà bientôt parti avec ses enfants vivre à Paris et dans le Nord, en garnison. Cela dure neuf ans pendant lesquels il la laisse seule à la Barboutie. C’est là qu’elle meurt dix-sept ans plus tard, le 29 mars 1836, à l’âge de 43 ans. On peut supposer que Godfroy Charles Henry était dépensier car on trouve la trace d’un emprunt à une dame Maturié. Mais, Madame Maturié se lasse. Peut-être se découvre-t-elle un besoin pressant de cet argent, à moins que son débiteur ne traîne dans le remboursement de sa dette. Toujours est-il qu’elle lui fait vendre aux enchères à la bougie, au Tribunal de Brive, des bois et des terres de la Barboutie, dont un dénommé Blanchard se porte acquéreur, le 8 janvier 1850, pour 27 300 F. Dans cette vente, il n’est pas question de la maison, mais je pense que Blanchard l’avait déjà acheté précédemment car j’ai trouvé aux Archives un document de 1848 dans lequel Blanchard est qualifié de propriétaire. La Barboutie était donc restée soixante et onze ans dans la famille Gilibert.
1848. Il n’est plus question de rois, ni d’empereur. Louis Napoléon préside aux destinées de II ème République. Blanchard, le nouveau propriétaire de la Barboutie, est un ancien percepteur des contributions directes, marié à une Claire Lafon. Mais, décidément, coïncidence ou explication, les propriétaires de la Barboutie dépensent plus qu’ils ne gagnent et, comme son prédécesseur, Blanchard a besoin d’argent. Toutefois, au lieu de recourir à un particulier, il hypothèque, et ce à plusieurs reprises, ce qui engendrera bien des tracasseries pour le propriétaire suivant, un certain Bernard Edouard Lesperut……
A quoi ressemblait la Barboutie au moment de son achat ? Nous avons la chance de le savoir par les nombreux dessins que réalisa, en 1874, Emile Davoust, le gendre de Bernard Edouard Lesperut — il avait épousé sa fille Marie — qui avait, entre autres talents, un fort bon coup de crayon.



A cette époque, la Barboutie était une belle demeure, mais beaucoup plus modeste de taille. Elle comportait seulement la cuisine et le salon au rez-de-chaussée et les pièces du premier étage qui se trouvent au-dessus. Les deux pièces du bas communiquaient par une porte qui se trouve derrière l’emplacement actuel du réfrigérateur. Le salon était éclairé par plusieurs fenêtres qui n’existent plus aujourd’hui : une au nord, à l’emplacement des étagères, et deux à l’ouest, à la place de la cheminée qui fut sculptée par M. Ribes.
Plan de la propriété en 1873
Un escalier extérieur donnait accès au premier étage par une porte qui est aujourd’hui celle des toilettes. Aucun document ne montre l’agencement intérieur des pièces à cette époque, mais à en juger par les dessins d’Emile Davoust, il manque une fenêtre à chaque étage sur la façade nord et il y avait une cheminée aujourd’hui disparue : la petite niche au-dessus du lit en haut en fait foi et lors des réparations effectuées en 1960, on a trouvé des traces de suie. Comme le salon, la cuisine comportait une fenêtre de plus que maintenant : il y en avait deux à l’est, qui encadraient la cheminée.
Il est certain que, pour une famille de six personnes, sans compter le personnel et les nombreux amis qui venaient y séjourner, la maison était trop petite, d’où les transformations et les extensions entreprises par mon arrière arrière-grand-père en 1875. On peut dire qu’il consacra le reste de sa vie à étendre et à embellir la maison et la propriété, avec l’aide de son fils Pierre et de son gendre qui joua en quelque sorte le rôle d’architecte.
Jean Pierre BARDON
