Le flamboyant passé de Beau Rivage

Emblématique pour les Malemortois, l’hôtel Beau Rivage, sa guinguette, sa salle de bal, sa terrasse avec vue sur la rivière, se cherche une nouvelle jeunesse.

Émilie Auffret (Journal La Montagne 14/02/2023)

Une tireuse à bière chromée sur le bar, des plantes un peu sèches mais pas encore mortes, une ribambelle de bibelots, une couverture sur un fauteuil … On dirait que les propriétaires viennent de quitter les lieux. Des lieux mythiques : l’hôtel Beau Rivage, coincé entre la paisible Corrèze et la bruyante RD1089, sa guinguette, son dancing qui a sonné tous les dimanches jusqu’en avril 2012, de 16 heures à minuit. « Musette et variétés avec deux musiciens dont un est toujours un accordéoniste », nous confiait Jacques Francy, le maître des lieux en 2011. Il avait alors 80 ans.

Le patron est mort il y a un an tout pile. L’amour de sa vie, Ginette, quelques mois avant lui, en août 2021. Depuis, la guinguette est restée telle quelle. L’hôtel, ses quatorze chambres, sa salle de restaurant avec vue sur l’eau, ses extérieurs, ses arbres centenaires, son « dancing au fond de la cour » qui pouvait accueillir jusqu’à 125 guincheurs, sont à vendre.

« Il y a 2.800 mètres carrés au bord de l’eau, détaille Bernard Francy, le frère de Jacques. Imaginez le niveau de la Corrèze plus haut. Il y avait des pédalos, des concours de barques fleuries, des baigneurs … C’est un coin de pêche, il y a un trou de six ou sept mètres de fond », lance-t-il en montrant le méandre de la rivière depuis la terrasse. On l’appelle « le plan d’eau de la Corrèze ». 

« Des endroits comme ça, les pieds dans l’eau, il y en a peu sur Brive. Il faut aller jusque chez Francis, à Larche (le restaurant La Terrasse N.D.L.R.) », indique le maire de Malemort, Laurent Darthou, qui a fréquenté l’endroit quand il était enfant. Il se souvient même d’y avoir bu un café en compagnie de Jacques Chirac. « C’était avant 1995, j’avais 15 ou 16 ans. Chaque fois qu’il passait par là. Il s’arrêtait. » Bernard Francy confirme. « Chirac venait faire ses trucs. À Brive, il y avait Charbonnel, il ne s’entendait pas avec Charbonnel, alors il s’arrêtait ici. Du beau monde, il y en a eu. » Les souvenirs sont un peu flous mais il a vu Charles Pasqua, Jean-Pierre Fourcade, Jacques Delors « et des stars du showbiz ». On dit aussi qu’Édith Cresson et Roland Dumas sont passés par là. 

Avant les Francy, J’établissement a même eu un illustre propriétaire : Léopold Vackier, le fils du consul de Belgique à Tulle. Il achète ce qu’on appelle alors « l’hôtel du Pont » en 1942 pour « une somme de 240.000 francs », selon la transcription de l’acte de vente dans le registre des hypothèques. Il ne le gardera pas très longtemps. À peine dix années plus tard, un certain M. Coulon reprend l’activité. Dans la presse de l’époque retrouvée grâce aux Archives départementales, un article évoque un déjeuner « excellemment servi » à Henri Queuille, le 7 juin 1953. Il est alors entouré d’une myriade de personnalités. « Quand il n’y avait pas l’autoroute, tout le monde passait par là », se rappelle Bernard Francy.

On faisait la queue pour venir manger des fruits de mer quand sa belle-sœur et son frère reprennent les lieux, en 1983.
« C’était le meilleur de Brive ! » Au plus fort de l’activité, trois cuisiniers et quatre serveurs y travaillent en plus des patrons. « Mon frère a même ouvert une boîte de jazz, là, au premier étage, avec un ami musicien. Ça s’appelait « Le Manhattan » »

Des buffets où « rien ne manque » 

Ils abandonneront l’activité restauration en 2004, mais proposeront toutefois un buffet « où rien ne manque » à ceux qui fréquentaient le dancing, les dimanches soirs. Une salle de bal qui en a vu des valses et des mazurkas depuis les années 1920 pendant lesquelles Jean-Adolphe Breuil, propriétaire à l’époque, édifie la piste de danse.  

 « C’est un lieu qu’on aimerait vraiment voir revivre », espère Laurent Darthou. Depuis sa mise en vente par le cabinet De Carvalho, il y a déjà eu un acheteur. « Ça n’a pas pu se faire, à la dernière minute, indique Patrice De Carvalho. Nous avons des personnes intéressées pour en faire un hôtel, un restaurant ou encore des bureaux. » Les négociations sont en cours.