Histoire du carnaval de Malemort (texte humoristique recopié par Daniel Freygefond)

Chapitre I – L’homo préhistorii carnavalis
La Commission archéologique de la Commune Libre de MALEMORT, au cours d’une de ses dernières séances a réussi à percer une énigme archéologique qui nous permet de situer avec précision et certitude les origines préhistoriques du Carnaval de MALEMORT qui jusqu’à ce jour, ne dépassait pas l’antériorité de l’époque tragique de l’invasion des Wisigoths.
M. LANEL dans un exposé clair et concis rappela la récente découverte d’un crâne humain surmonté de la carcasse osseuse d’un mammouth cornu. Ce crâne mis à jour au cours d’une fouille laborieuse sur les plateaux de Chantegrillon se dissociait nettement de la carapace cornue qui la coiffait. Cette dissociation des deux ossifications préhistoriques permit au Secrétaire perpétuel de l’Académie, Paul VILLEMUR d’opposer un démenti à M. LANEL qui avait soulevé l’hypothèse du premier cornard de la Préhistoire. Pour VILLEMUR, dont on connaît l’objectivité et la rigueur scientifique, cette dissociation des deux crânes représentait d’une façon incontestable, la première mascarade. Cet homme préhistorique donc, s’était coiffé d’une dépouille de mammouth pour le premier festival carnavalesque de la préhistoire.
Nous voici à nouveau plongé dans l’histoire du Carnaval de Malemort. Précédemment nous avons parcouru l’époque préhistorique. Voici la suite qui prend fin dans les années 1960. Les plumes mélangées du Comité des Fêtes et du docteur Georges Fréchines nous offrent un texte surprenant. Il est complété par deux discours du Maire de la Commune libre et deux partitions musicales autour du Carnaval. 
Ainsi donc, le fruit des recherches archéologiques d’une part, la valeur incontestable des textes de CELSE nous ont apporté par leur concordance le témoignage éclatant de l’existence du premier Carnaval de la Planète, originaire de Malemort puisque les fouilles effectuées de par le monde ne retrouvent traces de mascarades qu’à partir de l’ère gallo-romaine. 

Chapitre II : Les empreintes préhistoriques des crèpes de Malemort
Par ailleurs, des empreintes circulaires sur roches argileuses relevées au cours de ces mêmes fouilles ont permis d’émettre l’hypothèse de l’existence, à la même époque des premières crêpes. Une discussion particulièrement vive opposa M. LANEL au président de la Commission M. ALBIAT, Maire de la Commune Libre. Pour M. LANEL ces empreintes circulaires ne représentaient rien d’autre qu’une transposition sur pierre de l’image de la Divinité Solaire adorée par toute la préhistoire. M. ALBIAT, dont les travaux sur les graisses animales font autorité dans les milieux scientifiques, mit en valeur la découverte de microscopiques sphérules graisseuses qui imprégnaient l’empreinte argileuse.
Par ailleurs, M. SARRAZIN, expert cosmographique de la Commission souligna que l’irrégularité et la dentelure des cercles ne pouvaient nullement correspondre à une représentation astrale. Ainsi était apportée la preuve indéniable de l’existence à MALEMORT de la première crêpe connue
Au cours de sa 368° séance, le Comité d’Organisation Nationale Archéologique, Radiesthésiste, Démocratique, et Sociale (C.O.N.A.R.D.S) entérinait les constations de la Commission Archéologique de MALEMORT. 

Chapitre III : La perruque gallo-romaine de Roumégoux
Plus fructueuses furent les recherches effectuées dans les Souvenirs gallo-romains. Nous citerons pour mémoire ces quelques vers hermétiques du Poète contemporain Marcel BENOIT, s’extasiant devant une crinière violine si dissemblable de nos chevelures contemporaines pourtant fort hardies .

Tu as poussé loin le soleil 
Et pourtant ton reflet vermeil
Me fit penser, à moi, humain,
Qu’il n’existe pas dans le pain
De dorure plus agréable
Que ton cheveu sur une table
O ma crinière de déesse
Ton violet et ta souplesse
Sont des rêves sans lendemain
Inconnus des contemporains.

On retrouve dans ces vers la candide surprise du Poète. Celui-ci ne pouvait se douter que son œuvre allait être le point de départ d’un travail fabuleux sur l’époque gallo-romaine. En effet, LABORIE anthropologiste capillaire et contemporain ébauchait alors une étude sur les cheveux de premier ‘âge préhistorique à nos jours. Les vers de notre poète communal furent pour LABORIE le Deus ex machina et l’embryon de son œuvre immortelle sur le cheveu. Cette crinière violette qui semblait s’envoler du cerveau exalté d’un bohème se concrétise dans le Chapitre V, page – 86 de l’ouvrage de LABORIE : « Sur la coloration du cheveu à l’époque gallo-romaine » cette coloration curieuse de la chevelure avait pour origine, comme le décrit LABORIE, la préparation au Carnaval de MALEMORT, festival donné par les Césars après une victoire sur les armées ennemies. Sur les bords de la Couze, LABORIE avait découvert une amphore emplie de crinières violines. Sur l’amphore était gravée ce texte latin : VIOLIS CAPILLARIS VESTIGIUM CA RNAVALUM RUMEGUSQUE Yvon BEAUSSONIE, notre latiniste distingué en entreprit la traduction. Son travail commencé en 1942, vient d’être terminé brillamment. La traduction intégrale est la suivante : CHEVEUX VIOLETS, VESTIGES DU CARNAVAL DE ROUMEGOUX. 



Chapitre IV – Les masques antiques du trésor de Malemort

De 472 à 507 l’invasion des Wisigoths mit un terme à toute manifestation carnavalesque. Cependant, en l’an 505, année de trêve, les populations traquées sortirent de leurs refuges souterrains de Montemart, et, pour fêter le départ temporaire de l’envahisseur organisèrent une monstrueuse manifestation carnavalesque dont l’existence nous fut révélée incidemment par notre zoologiste Jeannot Beaussonie.
Celui-ci poursuivant une œuvre inlassable sur les moeurs de la truite de la préhistoire à nos jours, découvrit dans une excavation poissonneuse du ruisseau des Saulières, une outre volumineuse en peau de bouc mort-né qu’il livra à la commission archéologique. Celle-ci avant toute expertise, crut voir enfin apparaître le trésor légendaire caché au temps des grandes invasions barbares et dont nul ne connaissait l’emplacement exact.

Quelle ne fut pas la stupéfaction de l’assemblée archéologique lorsque le contenu de l’outre fut déversé sur la table des réunions : un flot de perruques et de masques multicolores apparus aux yeux ébahis de nos doctes savants en places et lieux des pièces d’or et des richesses supposées. Cette apparition carnavalesque fut plutôt froidement accueillie. L’intérêt historique de la trouvaille prévalut bientôt sur l’espoir cupide déçu. L’historique du Carnaval de Malemort venait de faire un pas de géant dûment enregistré par le Secrétaire Perpétuel Paul Villemur. Monsieur Gautherie archiviste paléographe en fit l’inventaire et reclassa dans l’histoire ces glorieuses trouvailles. 

En 507, Clovis venant d’Uzerche après la conquête de l’Aquitaine vint festoyer à Malemort ou il apprécia les vins fameux des coteaux de Montemart. Les effluves capiteux des crus locaux eurent vite raison du flegme et de la pondération de ces fiers guerriers. Déguisés de diverses façons ils parcoururent les cités gaillarde et malemortoise aux sons des trompes de guerre sonnant pour une fois des airs d’allégresse. Une nouvelle manifestation carnavalesque se déroulait encore à Malemort.

Chapitre V – Gilbert de Malemort en travesti provoque Archambaud de Comborn

En 1248, Gilbert de Malemort est nommé Sénéchal et pour fêter sa glorieuse ascension, il organise un grandiose bal paré masqué où il apparaît dans un costume rutilant bariolé de bleu, de vert, orange et pourpre qui fit grande sensation parmi les invités.
Archambaud de Comborn trouvant cette apparition fort déplaisante à son goût eu l’audace d’émettre quelques phrases d’une ironie mordante. Gilbert de Malemort, ainsi que le relate Marcel Gautherie dans son « De Cujus historise Malemortensis ubisque », s’adressa à Archambaud avec une violence extrême. Archambaud fort imprudemment lui lança ce brocard : « MALAMORT MEITAT CHI MEITAT PORC » ce qui signifiait dans la langue de l’époque d’après Mr BUCHE , le distingué spécialiste en vieux limousin et autres langues «Toi, Malemort, tu es mitigé cochon d’Inde».
Gilbert alors le provoqua à l’arme blanche et le pourfendit en deux parties rigoureusement égales dont l’une est conservée sous la graisse à la manière ancienne des confits d’oie dans la 25ème salle, 6° couloir porte à gauche du Muséum Jean Kantelip à Bréniges. L’autre préparée à la paraffine fait l’orgueil du musée Ernest Le fauché, dit le Rupin à Brive.
L’époque des Brabançons est marquée d’une pierre noire dans l’historique du Carnaval; Aux manifestations sanguinaires des envahisseurs les joyeux malemortois opposèrent en 1177 une ironique démonstration de foule où tous les citadins : seigneurs, bourgeois et truands défilèrent en travestis singeant les uniformes d’Hugues Le Clerc et de ces brabançons.
Ces derniers pris d’une rage démoniaque massacrèrent les manifestants et brûlèrent le bourg. Montemart, le Mont des Martyrs, le Montmartre local avait chèrement payé de son sang et de ses pierres, sa traditionnelle coutume des réjouissances carnavalesques.

Chapitre VI – Un parchemin historique, le carnaval, fête populaire
En 1328, Gérald de Malemort et Guy de St Michel coseigneurs du château de Beaufort après avoir fait hommage lige et serment de fidélité au Révérend Père Roger évêque de Limoges fit apposer un placard autorisant leurs sujets à manifester leur allégresse « EN TOTAS OCHAIZES DE CALCUNA MANEIRA QUE SIA » ( en toutes occasions et toutes façons) se référant aux textes d’époque, notre poète bucolique, Marcel Benoit, exalta ces festivités populaires en ces vers immortels :
« 0 peuple prends ton vol Dans la joie, la fougue et l’allégresse
Ton bon Gérald t’invite
A goûter dans l’ivresse Le vin, les danses et les chansons Voile-toi le visage
Oublie que tu es sage
Appelle l’échanson
Et ne prend dans la femme
Que ce qu’il y a de bon
Moi le poète imberbe
J’aime les petits pains
Au Carnaval superbe
J’apporte le levain. » 


Chapitre VII Bernard Boucheteil distribue les confetti aux truands
Dans les années qui suivirent, on ne retrouve nulle part traces de manifestations carnavalesques. Cette période troublée durant laquelle s’affrontèrent brivistes et malemortois, ne permit ni aux uns ni aux autres de se réjouir et de manifester publiquement. Plus tard Bernard Boucheteil capitaine d’arbalétriers, revenant de la guerre de Cent Ans, couvert de gloire et de petite vérole, rapporta de ces campagnes la coutume des batailles de confetti.
A cette occasion une nouvelle exhibition carnavalesque rehaussée de la bataille monstre de confetti souleva l’enthousiasme des populations locales et environnantes. Des milliers de truands croyant à une distribution de vitamines antiscorbutiques s’étaient massés imprudemment aux abords de la cavalcade absorbèrent bouche-bée des tonnes de ces menus papiers multicolores qui les étouffèrent sur le champ. Nous citerons en aparté l’ouvrage de diététique du Docteur Fréchinos, doyen de la Faculté de Malemort qui signala les inconvénients du papier sur le tube digestif sauf lorsqu’il est utilisé à la partie terminale où il est fort bien toléré

Chapitre VIII Du Guesclin admire la première grosse tête
Rappelons encore le passage historique de Du Guesclin dans nos murs lors d’un Mercredi des Cendres. Ce glorieux chevalier se régala de succulentes crêpes. Pour remercier la population, il fit tirer cent cinquante coups de canon et pour ce faire utilisa quatre chars de courges brivistes. Lorsqu’elles furent propulsées par la fameuse bombarde offerte en grande pompe par la population de Sainte-Féréole. On eut malheureusement à déplorer 85 morts par décapitation. Parmi les victimes nous rappellerons Aucel de Lacam engagé volontaire dans l’armée du Connétable où il remplissait les fonctions d’officier du matériel. Ce jour-là fut tentée la première greffe de tête humaine. L’opération réussit parfaitement. Malheureusement la tête ne correspondait pas au sujet. Dans la précipitation la tête d’Aucel fut greffée sur le corps du petit nain qui faisait office de fou du roi. Ce spectacle fit la joie de la foule et fut à l’origine des défilés de grosses têtes. 

Chapitre IX La Tremouille introduit les chars à la cour de France
La diffusion des défilés et mascarades à l’issue des hivers plus ou moins rigoureux se poursuivit à travers la France, de l’Atlantique à la Méditerranée. Le Duc de La Trémouille fut chargé par le roi Charles VIl d’étudier par tous et bons moyens que ce soit, tous us et coutumes qui permettaient de se bien « esbaudir ». Ce fut à la suite d’un séjour à Malemort le jour des Cendres qu’il rapporta à la Cour, où elle fut accueillie avec enthousiasme, la coutume des défilés carnavalesques. 

Epilogue 
A l’heure actuelle, chercheurs, techniciens, et historiens de Malemort, poursuivent les fantastiques et souvent fastidieux travaux qui leur permettront d’affirmer la place de Malemort à l’ombilic de tous les carnavals de la planète. Ces études seront mises au point et divulguées au cours des années 1955, 1956, 1957, 1958, 1959 et 1960 date d’épuisement des crédits affectés par le budget communal.

Désignation du Maire et de la Mairesse de la commune libre de Malemort 
Lors du discours du maire de la Commune libre, il est de tradition que la municipalité officielle offre des crêpes et du vin blanc aux édiles brivistes. Un discours de bienvenu est adressé à l’assistance par le représentant de la mairie de Brive. Afin d’attirer les brivistes à Malemort pour continuer les ripailles, la présentation de Miss Carnaval et de ses demoiselles d’honneur est faite à la foule. Celle-ci par satisfaction entonne des chants et les batailles de confetti sont organisées.

Voici deux Discours de Maire de la Commune Libre de Malemort (fin des années 1970 ) 
Premier discours 
Chers Amis Brivistes Chers Concitoyens
Maire de la Commune Libre de MALEMORT depuis plusieurs années, je reconnais que ce fort courant d’opinion manifesté en ma faveur ne me laisse pas insensible. J’avoue que j’ai souvent caressé le rêve de prendre le pouvoir à Malemort pour une durée plus longue, mais la forte personnalité de Monsieur FAUCHER le maire officiel m’a fait quelque peu hésiter. Il est le maire du labeur silencieux et efficace, je suis le maire de la joie, de la licence et de la fantaisie qu’importe pour moi le lendemain.
Mon programme est plus attractif et même vous brivistes, gens de la ville, m ‘accueillent chaque année avec la même satisfaction. Je vous offre avec nos succulentes crêpes, le charme de ma compagne, de notre Reine, et de ses Demoiselles d’Honneur, sans oublier nos majorettes dont l’exquise fraîcheur ne vous laisse pas indifférents. J’arrive, escorté de chars fleuris, de chants, de rires et de danses, encore enveloppé d’un lointain parfum de crêpes et de vin blanc. Ce n’est pas un programme commun, reconnaissez-le.
Si un jour je fais campagne, je serai le candidat de la joie, des filles et de la bouffe. Cela me paraît assez sérieux pour que l’on y réfléchisse profondément. Séduisant de ma personne et de celle de ma compagne, j’ai confiance et je vous fais confiance. Si un jour prochain notre maire doit me céder son écharpe définitivement, je fais le serment de n’être pas un ingrat, je lui confierai mon poste de maire de la Commune Libre sans amertume, répondant aux appels enthousiastes des populations brivistes et malemortoises, et je ne vois pas très éloigné le jour où je régnerai sur ses deux communes pour vôtre bien être et le mien par la même occasion.
Un grand merci à vous tous pour avoir eu la bonté et la sagesse de suivre attentivement ce court exposé d’une foi vibrante dans le jour qui passe sans souci des lendemains longuement tristes et moroses. Je vous convie à participer à nos ébats, je tiendrai ma promesse. Les crêpes à Malemort sont délicieuses et le vin est de bon cru. A tout à l’heure, Chers Amis.

Deuxième discours
Monsieur le Maire de Brive,
Monsieur le Maire de Malemort,
Chers Amis de Brive,
Nanti d’un pouvoir responsable pour une durée limitée, mon plan aura barre sur la tristesse et la morosité. Il développera en un temps record, tendu vers la Joie, la paillardise et la gastronomie.
Dans des dispositions d’esprit, il ne peut laisser insensible nos amis de Brive et du département tout entier.
J’espère, conseille, désire en un mot J’exige que tous les visages soient épanouis et décrispés.
Ne m’en veuillez pas chers amis brivistes si tous les regards sont aujourd’hui détournés gaiement vers notre pimpante et joyeuse cité.
J’ignore à l’heure où Je prépare ce discours si le soleil nous fera l’honneur de sa visite. Quoiqu’il en soit, s’il est absent dans le ciel, il sera présent dans nos bals, nos restaurants et nos cœurs.
Mon programme et mon plan qui se confondent et se perpétuent sont un exemple à suivre pour tous les responsables d’une cité.
Faisons fi des plans de 2 ans, 5 ans et au-delà. Place aux plans exceptionnels face à des situations exceptionnelles. Mieux vaut un ventre bien rempli qu’une tête bien pleine. Mieux vaut une assiettée de crêpes arrosée de vin blanc qu’une feuille d’impôts si aimablement présentée soit-elle.
Je gouverne seul, sans Conseil Municipal. Je suis comme il se doit, gouverné par ma femme, ce qui nivelle les valeurs et me rapproche de mes administrés.
L’année de la femme à Malemort a commencé voici des millénaires. Il nous manquera toujours à nous les hommes cette côtelette que nous avons offerte pour fabriquer notre mère Eve, et notre avis durant nous subirons cette bénédiction du Seigneur.
Mais trêves à mes paroles à la fois sages et enjôleuses et allons tous à Malemort où il fait si bon vivre, boire, chanter et danser. Enfin, voici deux chants entonnés par les carnavaliers tout au long du défilé.